Un étudiant interviewe un jeune migrant: «Mon voyage d'espoir vers Reggio Emilia»
Depuis l’Algérie jusqu’en Italie via les Balkans
Reggio Emilia “Sam”, nom d’emprunt pour protéger l’identité de l’interviewé, se confie autour d’un thé. La conversation se déroule en arabe. Âgé de 23 ans et originaire d’Algérie, il nous raconte un périple de près d’un an pour rejoindre notre province. Un parcours semé d’embûches qui l’a confronté à l’horreur des camps de détention libyens.
Pourquoi avoir décidé d’émigrer en Italie?
«En Algérie, la vie était devenue extrêmement difficile. Les difficultés économiques, le chômage et la situation politique m’ont poussé à chercher un avenir meilleur. J’ai décidé d’émigrer en Italie avec l’espoir de trouver une nouvelle opportunité, de vivre une vie plus sûre, pour moi et ma famille. Ce n’était pas une décision facile, mais je sentais que Je n’y avait pas d’autre choix».
Raconte-nous en plus sur ce parcours.
«Mon voyage a commencé en Algérie et de là, je suis passé par la Libye, où les choses ont vraiment dégénéré. En Libie, j’ai été enlevé par des soldats et détenu pendant six mois. Les conditions étaient inhumaines. Pendant cette période, il n’y avait ni nourriture ni eau, la chaleur était insupportable et la peur de mourir était constante. Mais l’une des choses les plus traumatisantes dont je me souvienne, c’était l’odeur des os des migrants décédés. La Libie est un enfer pour ceux qui cherchent une échappatoire. Un épisode m’a particulièrement marqué: lors d’une séance de torture, un garçon de seulement 14 ans m’a pointé un fusil sur la tempe. Ils pensaient que j’étais un espion, alors ils nous fouettaient pour nous forcer à avouer des choses que nous n’avions jamais faites. Ce fut un moment terrifiant, mais c’est justement à ce moment-là, alors que tout semblait perdu, que j’ai réussi à m’échapper. J’ai saisi une petite opportunité et, le cœur battant, je me suis enfui».
Cela a dû être un véritable cauchemar. Comment as-tu trouvé la force de continuer?
«C’était difficile, mais je sentais que je n’avais pas le choix. Si je restais là, je ne m’en sortirais jamais vivant. La peur était constante, mais l’espoir d’une vie meilleure me donnait la force d’avancer. J’ai poursuivi mon voyage, traversant la Méditerranée jusqu’en Grèce, puis les Balkans, passant par la Macédoine, la Serbie et la Hongrie. Chaque étape semblait un miracle, mais j’avais un objectif: l’Italie. Je sentais que l’Italie pouvait me donner une nouvelle chance, même si le chemin était loin d’être facile. Arrivé en Autriche, j’étais tellement épuisé que j’ai demandé l’asile politique, espérant qu’ils pourraient m’aider. Mais malheureusement, ma demande a été refusée. Ce fut un coup dur».
Qu’as-tu ressenti à ce moment-là?
«Je me sentais perdu. Après tout ce long voyage, toutes ces difficultés, je pensais enfin trouver un endroit où m’installer, un lieu où ma vie pourrait recommencer, mais on m’a dit de retourner en arrière. J’étais vraiment sur le point d’abandonner, je pensais qu’il valait mieux rentrer chez moi, même si cela signifiait renoncer à tout ce pour quoi je m’étais battu. Mais justement à ce moment-là, quand je me sentais au plus bas, quelque chose a changé. Un bus est passé, et par pure chance, j’ai réussi à monter à bord. Ce bus m’a conduit vers le nord de l’Italie».
J’imagine que cela a été un moment de soulagement incroyable pour toi. Comment t’es-tu senti en arrivant finalement en Italie?
«Quand je suis arrivé en Italie, d’abord dans le Trentin, puis à Venise et enfin ici en Émilie-Romagne, c’était comme un rêve qui devenait réalité. Je ne peux pas décrire complètement ce que j’ai ressenti, mais il y avait un sentiment d’espoir que je n’avais jamais connu auparavant. J’étais enfin dans un endroit où je savais que j’aurais une chance. Mais ce n’a pas été facile tous les jours. La langue, la culture, trouver un logement... j’étais complètement seul, sans personne que je connaissais. Au début, je me sentais perdu, mais la pensée d’avoir réussi, d’avoir surmonté tous ces dangers, me donnait la force de continuer à lutter».
Maintenant que tu es en Italie, quel est ton espoir pour l’avenir?
«Mon espoir est de construire une vie stable. Je veux apprendre parfaitement l’italien, trouver un emploi et enfin me sentir partie intégrante de cette communauté. Je veux aider ma famille et, un jour, peut-être réussir à les faire venir en Italie. J’espère que, malgré toutes les difficultés que j’ai rencontrées, ce pays pourra me donner une seconde chance. Je veux prouver que, même si le voyage a été long et douloureux, avec de la détermination et de l’espoir, on peut se construire un nouvel avenir. Je veux vivre dans un endroit où je n’ai plus à avoir peur, où je peux travailler et, surtout, contribuer à la société».
*Élève de l'institut Silvio d'Arzo de Sant'Ilario